9. Le fond de la question est qu’il est impossible de diriger la révolution sur la base d’un Etat bourgeois tel que celui qui existe toujours au Venezuela. Historiquement, cet Etat n’est pas capable de s’abolir soi-même, et en plus de par son caractère et essence, il se trouve dans une situation de décomposition croissante. C’est donc un Etat qui n’est pas encore révolutionnaire et qui maintient son caractère et ses valeurs bourgeoises.
10. Ce qui précède demande l’existence et l’action d’une avant-garde révolutionnaire qui dirige l’effort créateur des masses de manière organisée, collective et cohérente. Qui met en avant des valeurs, des principes et des conduites qui visent à vaincre l’hégémonie culturelle bourgeoise dominante. Qui oeuvre, avec la collectivité populaire organisée, à l’exercice du contrôle social et politique du processus dans son ensemble.
11. C’est dans ce contexte, dans lequel en outre prédomine presqu’exclusivement, une direction individuelle du processus révolutionnaire est exercée à partir des instances gouvernementales, que le président Chávez présente la proposition du Parti Socialiste Uni du Venezuela (PSUV).
12. Certes, la révolution en tant que fait essentiellement politique, demande un organe de direction révolutionnaire capable non seulement d’arracher cette direction à l’Etat bourgeois, mais également de le détruire et de construire un Etat démocratique populaire révolutionnaire.
13. Cet organe politique est nécessairement un Parti, intégré par des cadres révolutionnaires, qui visualise, qui conçoit et qui établit des décisions intégrales, d’ensemble relatives à la société et non pas sectorielles comme il arrive souvent avec des visions qui, en général, émanant d’une position d’un seul groupe (un ministère ou institut), jugent quelles sont les tâches à accomplir, en même temps qu’ils justifient, logiquement, sans aucune critique, leur propre action.
14. Le parti qui peut jouer ce rôle doit être capable, en tant qu’avant-garde politique de la révolution, de générer une vision globale sur le processus sociopolitique, qui lui permet d’unir les masses et de leur octroyer non seulement le contrôle de l’Etat mais également l’exercice du pouvoir directe sur et à partir des milieux étatiques.
19. Le PCV est conscient du fait que dans une société divisée en classes (comme le Venezuela), les partis politiques représentent les intérêts de ces classes et que ces partis constituent les instruments les plus importants pour la lutte pour accéder au pouvoir ou pour le maintenir. L’importance de cela a été illustrée lors des huit campagnes électorales qu’on a gagnées de l’opposition, élections dans lesquelles le rôle fondamental d’organisation, de mobilisation et de légitimisation a été joué par ces partis.
20. L’existence de partis politiques est liée à la division de la société en classes et à l’hétérogénéité de ces classes, aux différents intérêts des classes et des groupes qui les composent. Le parti politique est un des instruments principaux qu’une classe (ou un de ses secteurs) utilise pour lutter pour ses intérêts.
21. Lorsque nous affirmons notre volonté consciente de prendre la voie de l’unité organique des forces révolutionnaires et populaires, sans laisser tomber nos principes fondamentaux et nos objectifs stratégiques, nous nous prononçons pour un instrument révolutionnaire qui tient compte du fait que pour construire la nouvelle société, nous avons besoin d’un parti avec les caractéristiques suivantes:
Au niveau idéologique
22. En vertu de la large gamme de thèses théoriques – ou de l’absence de ces thèses- parmi les forces "chavistes", il est prévu un large débat théorique. Sa définition est toutefois d’une importance vitale. Pour nous, les communistes, il est évident que, sur la base du caractère anti-impérialiste et de l’objectif socialiste de cette révolution, le parti socialiste uni doit se baser sur le marxisme –sous-entendu qu’être marxiste aujourd’hui signifie, à son tour, être léniniste. De la même manière, le fondement idéologique doit prendre le plus avancé des idées révolutionnaires de notre peuple, à commencer par la pensée bolivarienne. Mais l’essence idéologique doit être le marxisme.
23. Cette position est le produit d’une réalité largement prouvée tout au long de l’histoire qui indique que seulement le marxisme donne des réponses scientifiques à la recherche de stratégies pour détruire le capitalisme et pour construire une société socialiste.
24. La constitution du parti doit représenter la rupture définitive avec toute manifestation de réformisme et de collaboration de classes, avec des projets socio-démocratiques dissimulant un système d’injustice, qui proposent des changements mineurs qui laissent intact son essence exploiteur. Ce programme doit aussi comprendre le dépassement des conceptions nationalistes qui offrent des réponses partielles aux problèmes du développement social à l’heure actuelle.
25. Sous n’importe quelle condition, il doit s’agir d’un parti idéologiquement unifié.
Au niveau du programme
26. La définition du fondement idéologique doit aller de pair avec la formulation d’un programme révolutionnaire qui a comme objectifs stratégiques la lutte anti-impérialiste avec une orientation socialiste définie.
27. En ce qui concerne les voies pour arriver à ces objectifs, dans l’identification des contradictions du processus, dans la forme d’aborder la lutte au moment concret, dans le contenu qui est donné à ces objectifs, dans sa caractérisation conceptuelle, il doit y avoir une orientation révolutionnaire conséquente pour l’action transformatrice. Il faut garantir la clarté et l’objectivité dans la formulation de politiques et de voies pour atteindre les objectifs stratégiques. Il faut une cohérence absolue entre la doctrine, la ligne politique et les propositions du programme.
28. Dans ce sens, la discussion autour de la définition du socialisme du siècle XXI est d’une importance cruciale, parce qu’elle synthétise la complexité des objectifs que nous poursuivons. A ce sujet, nous présenterons plus tard dans ce document les racines fondamentales de ce socialisme à partir de la position des communistes vénézuéliens.
Au niveau organisationnel
29. Dans ce débat, nous les communistes apportons la proposition léniniste de l’organisation. Nous pensons que sans unité interne, sans centralisme démocratique, sans discipline révolutionnaire, sans identification complète à une ligne politique, sans critique et autocritique, sans direction collective, sans présence organique au sein des masses, il ne sera pas possible de construire l’avant-garde de la révolution bolivarienne et d’avancer dans la perspective socialiste.
30. Le parti de la révolution ne peut pas comprendre un amalgame d’organisations de partis, de structures, même s’il faut préciser que, du moins au début, il sera difficile d’éviter l’action de groupes, de courants et de fractions internes. Ce n’est pas le meilleur scénario, mais c’est une possibilité réelle.
Parti de "masse" ou de "cadres"?
31. Ce parti devra être composé des meilleurs cadres de la révolution, de ses meilleurs facteurs, de ceux qui sont le plus clair au niveau idéologique, le plus honnête, le plus dédié, de ceux qui répondent aux plus grandes exigences de conscience révolutionnaire, d’action pratique et bien sûr, d’éthique. Le fondement éthique du parti sera d’une importance fondamentale pour accomplir sa mission de diriger le peuple vénézuélien dans la construction du socialisme.
32. Cela ne doit pas nécessairement être un parti très nombreux pour pouvoir accomplir sa mission. La qualité doit être prédominante. Cela signifie que pas tout le monde pourra adhérer. Il faut des critères et des paramètres pour entrer, ce qui permettra l’épuration des forces révolutionnaires de tout ce qui est arriviste, bureaucrate, corrompu.
33. Ainsi, ce que nous proposons est un parti révolutionnaire de cadres et de masses, dans le sens où ses membres seront des cadres éprouvés de la révolution qui, dans un contexte de développement de la conscience révolutionnaire du peuple, comme aujourd’hui, permettra la formation d’un détachement nombreux de militants. La massification des cadres augmentera encore à la température de la lutte des classes, ce qui permettra l’accroissement de ses rangs.
L’action révolutionnaire
34. Le parti socialiste unifié aura comme tâche principale la conquête de l’avant-garde des luttes populaires et, de cette manière, se nourrir du meilleur de ses représentants, ce qui signifiera finalement un énorme saut qualitatif en termes de renforcement de la révolution vénézuélienne.
35. Le parti doit être une manifestation conséquente de l’unité entre la théorie et la pratique révolutionnaire. Il ne peut pas être un projet politique basé sur la formation de stratégies réussies, de propositions qui sont irréfutables du point de vue des défis devant lesquels se trouve la révolution, alors que dans son action, il se sépare de ceux-ci.
36. Il doit garantir l’exécution d’une gestion adaptée aux principes du programme, tout en évitant n’importe quelle friction et contradiction entre les moyens utilisés et les intérêts fondamentaux du peuple. Il ne pourra pas suivre les pas de partis qui se sont autoproclamés (et qui s’autoproclament) populaires et qui utilisent des gestions gouvernementales qui nuisent aux intérêts du peuple, murs scandaleux pour contenir la protestation populaire.
37. Un élément très significatif dans ce contexte est le rôle du parti de la révolution dans la construction de l’Etat démocratique populaire révolutionnaire.
38. Le parti doit montrer une action dans l’actuelle période de transition vers le socialisme, qui permet de faire pencher la balance dans la lutte pour le contrôle du pouvoir politique en faveur des forces les plus conséquentes de la révolution bolivarienne. Ce parti doit être un détachement fondamental dans la construction de l’Etat socialiste.
39. Le soutien populaire que le parti de la révolution peut susciter, ne dépend pas seulement de la bonne gestion administrative face au gouvernement à tous les niveaux, en lutte contre la corruption, l’inefficacité et le bureaucratisme.
40. Ceci doit en outre se convertir en un modèle d’efficacité révolutionnaire à tous les fronts de lutte populaire. Il faut établir les liens les plus étroits avec les masses populaires. Actuellement, il n’y a pas d’organisation politique capable de le faire, ce qui fait que la tâche de créer la structure de direction des masses ne peut plus être reportée.
41. Le parti ne sera pas l’exécuteur des instances du pouvoir, ni un intermédiaire dans son fonctionnement, mais le principal promoteur de la participation démocratique des masses par l’éducation et l’organisation du peuple, tout cela en fonction du développement du pouvoir populaire, de la transformation du peuple en protagoniste conscient de la construction de la nouvelle société. Dans une révolution pacifique et démocratique comme la nôtre, cet élément acquiert une valeur spéciale, puisque ce n’est pas la violence révolutionnaire qui établit le nouvel ordre au moyen de l’imposition abrupte de nouvelles réalités, mais l’action révolutionnaire constante du peuple travailleur organisé, ce qui permettra le déplacement progressif des anciennes structures.
Le caractère de classe
42. Lorsque nous référons aux liens avec les masses, nous devons mettre spécialement l’accent sur le lien avec la classe ouvrière. Si nous voulons éradiquer le capitalisme, nous devons nous convertir dans l’organisation politique, le réel interprète des intérêts de la classe sociale qui, par sa position dans la structure socio-économique, n’est pas seulement directement touchée par l’exploitation capitaliste, et donc objectivement intéressée dans la suppression de l’esclavage salarié, mais qui, dans la poursuite de cet objectif ultime libère le reste de la société du régime d’exploitation, puisque, tout en étant dénuée des moyens de production, objectivement elle n’aspire pas à les conquérir pour exploiter d’autres classes sociales.
43. Cette classe sociale n’est autre que la classe ouvrière, et le parti de la révolution devra donc, de par son contenu, de par sa politique, de par sa composition, de par son idéologie et de par les intérêts qu’il incarne, le parti de la classe ouvrière et de tout le peuple travailleur. Evidemment, des membres d’autres classes et couches de la société entreront dans ce parti, mais les intérêts qu’il incarnera devront être ceux de la classe ouvrière, si nous voulons être conséquents par rapport à l’objectif programmatique d’ordre stratégique que nous poursuivons: le socialisme.
44. Ce contenu de classe bien défini du parti socialiste unifié est une nécessité historique et n’est pas en conflit avec le caractère anti-impérialiste de la révolution bolivarienne aujourd’hui. Cette phase de notre révolution exige en effet une large alliance de classes et de facteurs autour des objectifs de la libération nationale. Utiliser toutes les contradictions et divergences qui peuvent exister entre les secteurs de la grande et la petite bourgeoisie, d’une part, et de l’impérialisme, d’autre part, est une des tâches primordiales, mais cette alliance ne doit pas se produire au sein du parti de la révolution, spécialement lorsque nous reconnaissons que l’objectif de cette révolution est le socialisme.
45. Un des multiples aspects qu’implique le contenu de classe du parti est son caractère internationaliste. La classe ouvrière est une classe sociale avec des ramifications très fortes dans le monde entier et, de la même manière, avec une plate-forme internationale de lutte contre la domination planétaire du capitalisme. Dans le contexte actuel de l’expansion globale des sociétés transnationales avec des répercussions dévastatrices pour les peuples du monde, cela joue un rôle primordial. Il ne faut donc pas seulement des relations d’amitié avec les détachements des travailleurs dans le monde entier, mais une large coordination d’actions communes contre la domination impérialiste.
46. Voici les éléments que nous considérons d’une importance fondamentale pour construire le parti dont la révolution bolivarienne a besoin, et que nous soumettons a la plus large discussion du peuple bolivarien et, spécialement, de nos alliés, confiants que la rationalité révolutionnaire, et non pas la force électorale, s’imposera dans la quête du consensus.
47. En tout cas, la construction du nouveau parti ne sera pas un acte unique, mais un processus très dynamique.